samedi 12 novembre 2011

Session 1/Chapitre 6 : Surplace (Tingle)

La clavicule brisée, son corps s'effondra sur le parquet telle une marionnette dont on a coupé les fils.
« Oups ! Je crois que j'ai cassé du F.I.O.N. », remarqua l'angélique meurtrière sans une once de culpabilité dans la voix.
-Hannah ! Mais qu'est ce que t'as foutu ?! C'était l'un des nôtres !
-Rectification, Joe : C'était l'un des vôtres. J'y peux rien s'il fait aussi sombre dans ce couloir, qui plus est il empestait le cadavre.
- Bah maintenant, c'est naturel ! Hé, mais attends...
Joe Dante, notre increvable héros, s'approcha des restes de feu son collègue et le retourna.
« Ouf ! Ce n'est que Bill de la compta. Tous les mecs du F.I.O.N te le diront, ce mec était un sacré trou du cul. Ennuyeux à crever et mythomane compulsif. Je me rappelle qu'une fois, il nous avait bassiné comme quoi il s'était marié à Vegas avec Madonna, un soir de beuverie. Évidemment, elle avait rompu le pacte le lendemain, une fois désaoulée, parce que selon  ses dires c'était une gouine qui ne s'assume pas, et... 
-Je m'en fous, Joe.
- Non mais, t'inquiète. C'est limite un service à la communauté que tu viens de faire. On aura qu'à dire que ce sont les Reapers qui ont fait le coup. On ramène les cendres d'une de ces saloperies ici et on...
- Je m'en fous ! Mon statut m'autorise à éliminer quiconque se met en travers de mon chemin. Je n'ai pas besoin de ton aide, Joe. »
Ciel, qu'elle était devenue arrogante. Joe fondait toujours comme neige au soleil face à ses courbes affolantes et son joli minois, mais cela ne l'empêchait pas de rêver lui mettre un aller-retour pour la faire redescendre sur Terre. Malheureusement, ancien amant ou pas, il ne pouvait s'y risquer sous peine de finir dans le même état qu'un raton-laveur sur l'autoroute un jour de départ en vacances. Hannah était déjà balèze à l'époque, l'employée du mois douze fois par an, le haut du panier, le nec plus ultra, mais depuis son stage intensif au Vatican elle ne rentrait plus dans aucune grille d'évaluation. Ils l'avaient fait passer au stade supérieur, et firent de même avec le reste de l'élite de l' organisation. Dorénavant, ils étaient des séraphins, créatures touchant du doigt le divin dont les ailes majestueuses leur donnaient la faculté, tels des pigeons, de chier sur les cranes de leurs anciens collègues.
« Cowabunga ! »
Cela provenait du fond du couloir. Très vite, deux mastodontes à la démarche simiesque apparurent, Whistley aka Tonton accompagné de celui que l'on surnommait le Bûcheron, sept ans d'âge mental à eux deux. En les voyant côte à côte, Joe se mit à penser aux cartoons devant lesquels il laissait régulièrement son oncle à l'heure du goûter. Quand les personnages de ces dessins animés se retrouvaient face à un choix moral, un ange et un diablotin apparaissaient au dessus de leur tête pour débattre de la marche à suivre. Whistley était candide et inoffensif du moment que vous n'étiez pas un suceur de sang ou un postier. La perte de ses attributs masculins soulignait son innocence juvénile. Le Bûcheron, par contre, aurait mérité une castration depuis bien longtemps. Il n'était que vice et dépravation, de ceux qui prennent leur pied devant le spectacle d'une garderie en flammes. Heureusement, sa très faible intelligence l'empêchait de concevoir de tels plans démoniaques, le reléguant au niveau d'un simple chien en chaleur.
Accélérant le pas, les larmes aux yeux, Tonton Whistley s’apprêtait à sauter dans les bras de son neveu tel un gosse perdu dans un supermarché qui retrouve sa mère, mais il s'arrêta lorsque son regard bifurqua sur le cadavre à ses pieds. Il se retourna à nouveau vers Joe, l'incompréhension et la tristesse venaient de remplacer la joie des retrouvailles dans ses yeux.
« Ah non, Tonton, tu ne vas pas te mettre à chialer ! Fallait y penser avant de recueillir le premier péquenaud venu atteint de folie des grandeurs. Bill de la compta, merde ! Bill de la compta ! Qu'est ce qui t'es passé par la tête ? Pourquoi t'es pas allé voir l'agent d'entretien pendant que t'y étais ? Je suis sur que lui aussi adorerait jouer les héros entre deux nettoyages de chiottes ! A chaque fois tu me fais le coup, dès que j'ai le dos tourné... »
Trop tard, les valves étaient ouvertes. Les larmes dégoulinaient sur son visage et ses lèvres tremblaient comme un vieux moteur pétaradant. Joe se dit qu'ils iraient manger une glace une fois que tout ceci serait fini, mais qu'en cet instant il ne pouvait pas se permettre d'avoir son oncle en mode Liza Minnelli dans les pattes.
« Calme toi, Tonton. C'est pas ce que je voulais dire, ce n'est pas ta faute, je ne voulais pas... Mais j'avais demandé au Bûcheron de te surveiller, et... »
Tout en gémissant, le Tonton rétorqua : « Cowabunga, Cowa Cowa Bun Bun Ga !
- Il a fait quoi ?! Encore ?!!! Nom de Dieu, Bûcheron ! Je croyais qu'on t'avais dit d'arrêter de faire ça ! C'est du viol, merde ! Morte ou pas, ça reste un viol ! A tous les coups, elle était mineure en plus ! »
Le Bûcheron leva lentement sa tête en direction de Joe et émit un « Groumph... » pour sa défense.
« T'es vraiment le plus pourri du F.I.O.N. », lui répondit Joe avant de se retourner, un sourire crétin aux lèvres, vers Hannah. Celle-ci se tapa le front pour exprimer sa consternation.
Quelque chose vrombit dans la poche de Joe. Un téléphone portable. Il prit ce bijou de la technologie, symbole de 300 000 ans d'évolution, et la colla à son oreille.
« Allo, Joe ? Oui, c'est Paul à l'appareil. Hmmm...Comment dire... Les mecs et moi on capte plus grand chose là. Tout le monde te croyait mort, ici à la base. On a entendu un type bizarre, puis plus rien. T'as toujours le contrôle de la mission ? 
- Ouais, ouais, t' inquiète. J'ai dû faire tomber mon capteur de monologue intérieur et Bill a dû le ramasser. […] Ouais, celui de la compta... […] Madonna, tout à fait.[...] Oh, je ne m'inquièterais pas trop pour lui si j'étais vous.[...] 21h la soirée Poker chez Dylan, ça marche. [...] Ok, je vais arranger ça. Désolé pour le dérangement. Tchao ! »
Le téléphone à peine raccroché, Joe s'approcha du cadavre et se mit à le fouiller.
« Ah ! Te voilà ! », dit il en arrachant ce qui ressemblait à un point de beauté avant de se le coller sur la tempe gauche.
« Tu devrais faire un test. » lui dit Hannah qui commençait à faire les cents pas.
« Ok. C'est parti ! », répondit Joe.
Je suis Joe Dante, le mec le plus cool de la planète. 1, 2, 1, 2, 1, 2, 1, 2, 1, 2. Hannah, t'es top bonnasse ! T'entends ! Héhoooooo ! Test ! Test ! Test ! Si ma tante en avait ce serait mon oncle. Mon oncle n'en a plus c'est donc ma tante. Over. Over. Lalalalalalalaaaa.
« Ca fonctionne ? », me demande Hannah.
« On dirait bien, ouais. »
J'adore ce gadget. Sans lui, je ne serais plus vraiment le héros de cette histoire. Bon, maintenant que tout est revenu à la normale, passons aux choses sérieuses. Tiens, Hanna me fait de drôles de signes. Elle pointe du doigt derrière moi, je me retourne et découvre le Bûcheron agenouillé devant les restes de Bill. Ou plutôt derrière le corps de Bill, vu ce qu'il est en train de faire.
« Tu ne compte rien faire ? C'est dégoutant. », me lance-t-elle en grimaçant. Ses grimaces valent les plus beaux sourires de cent autres filles. Comment fait-elle pour rester aussi sexy quoiqu'elle fasse ? Les mecs du Vatican ont dû se la prendre et se la mordre en la voyant, ou alors les gosses du coin ont dû morfler plus que de raison pour compenser leur frustration.
«Ne t'en fais pas, ma belle. Bill connaissait les risques du métier. Vas y, Boucher, amuse toi bien ! »
Je me force à rester stoïque, mais intérieurement je suis mort de rire. Si seulement les mecs de la base pouvaient voir ça. Pauvre Bill, ça doit te rappeler Vegas...
Alors que je me réjouis de ce spectacle fort amusant, des bruits de pas...non...de chaussures à talons, s'approchent de nous.
« Je savais bien que ça sentait le F.I.O.N. Ici ! » dit une mystérieuse voix féminine.
« Eloïse ! » s'écrie Hannah.
Eloïse ? L'agent spécial des Reapers ? Sérieux ?! Moi qui m'attendait à une nana avec un physique de gymnaste ukrainien... Wow ! En réalité, c'est un sacré petit lot ! Dommage qu'elle soit morte.
Ne pensant qu'à la mission, je leur demande si elles comptent se battre. Hannah me demande si le pape est catholique. Je lui demande si c'est comme le chat d'Heisenhower. Elle se tape le front et me répond que c'est le chat de Schrödinger. Je lui dis que si le pape est dans une boîte, il est à la fois catholique et non catholique. Elle se retape le front. Je lui demande si j'ai dit une connerie. Elle me répond qu'elles vont se battre. Bref, je suis super content. Eloïse fixe mon ancienne maîtresse et lui sort :
« Je constate que la nourriture du Vatican est riche en matière grasse, Hannah. Tu sais, si tu voulais te modeler un aussi gros cul, il suffisait de manger du beurre en bâtonnet pendant deux mois. Pas besoin d'aller en Italie pour ça, ma puce. Les ailes c'est pour planer comme les poules ?
- Des attaques sur le physique, comme c'est original. Et toi, Eloïse, pourquoi ces lunettes ? On sait tous que ton état vampirique t'épargne les problèmes de vue. Ton patron apprécie le look bibliothécaire ?
- Hahahaha ! Au fait, sympa ton petit groupe. Un toutou à la gueule de minet, un gros lard cul-nu qui doit être plus vieux que moi malgré mon immortalité, et une chose répugnante qui...encule un cadavre... Joli tableau ! Il serait temps de passer un coup de balai dans le F.I.O.N. »
Hannah frappe à nouveau son front. C'est vrai que ce dernier trait d'esprit était vraiment tiré par les cheveux. Anticipant le concours de « Ta mère... », je pointe mon arme sur la diabolique et non moins charmante Eloïse.
« Allons, allons... Votre manque de goût n'a-t-il point de limite ? On ne peut pas faire cela dans un couloir, ce serait pêché. Toi et moi sur le terrain de basket, qu'est ce que tu en dis ? », propose la vampire.
« J'accepte », répond Hannah.
Oh oui ! Elles vont se foutre sur la gueule ! La blonde contre la brune. Deux déesses aux corps de rêves se frottant l'une à l'autre, leurs tétons durcis par l’adrénaline voulant transpercer leurs combinaisons de cuir intégrale, leurs petits culs parfaitement arrondis se remuant au rythme de leurs courbes sous l'étreinte passionnée du combat, leurs longues chevelures tirées dans un râle de plaisir et de souffrance, leurs...
« Joe ! Veux tu bien arrêter ça ?! Ton dispositif de monologue intérieur déconne, on entend tout ce que tu pense ! », me crie Hannah.
« C'est quoi son problème ? » demande Eloïse en me dévisageant comme si j'étais un manuel d'assemblage de table basse en japonais.
Oups ! Pas le temps de justifier mon emportement tout ce qu'il y a de plus masculin qu'elles ont déjà disparues dans une traînée de parfum. Les défuntes qui restent coquettes et féminines, j'aime ça.
« Cowabunga ? », me demande Tonton.
« Évidemment qu'on les suit ! Je ne voudrais louper ça pour rien au monde ! Enfin, je veux dire... Hannah pourrait avoir besoin de notre aide. »
Direction le terrain de basket.

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