mercredi 1 février 2012

Session 1/Chapitre 7 : Le Sexe des anges (Herr Mad Doktor)

Durant le trajet, je me remémore le bon vieux temps...
Hannah et moi, c’était une putain de belle histoire d’amour !
Quand je l’ai pécho, elle n’était pas encore la bête de travail surdouée qu’elle est devenue. C’était une petite stagiaire innocente et naïve, en robe et socquettes blanches, tout juste sortie de la moule de sa mère ; certes plus vierge, XXIème siècle oblige, mais encore verte et craquante, comme un jouet fraîchement déballé. Le hasard a voulu qu’elle atterrisse dans mon service : « Pénétration des rangs ennemis ». On a tout de suite accroché… Malgré nos 10 piges de différence, j’ai réussi à lui faire croire qu’on avait le même âge – j’ai jamais autant béni ma gueule d’éternel ado – et je lui ai sorti la panoplie du « petit bleu timide et maladroit ». Trop heureuse de pouvoir jouer à la maman (« mais non, moi je te trouve pas si nul, Joe ! »), la belle est tombée dans le panneau : en moins d’une semaine, elle me donnait le sein et prenait mon thermomètre dans sa bouche ! Bon, pour rester dans mon rôle, il m’a aussi fallu faire des sacrifices : j’ai eu droit à mon lot de concerts de Lara Fabian et de soirées télé devant la Star Ac’, des trucs de son âge quoi, mais le jeu en valait la chandelle… De toutes mes conquêtes, et Dieu sait s’il y en a eu un paquet (humaines ou surnaturelles), Hannah est la seule à mériter mon « label rouge » personnel !

« On entend toujours tes pensées, Joe, m’informe mon ex-amante d’un ton cassant. Mais je suis heureuse d’apprendre que pour toi je n’étais qu’un sac à viande. 
- Meuh non, heu, roooh, tu dramatises toujours… » protesté-je. Tonton et le Bûcheron se marrent comme des collégiens, Eloïse lève un sourcil. D’une claque sur la tempe, je désactive le mode « haut-parleur » de mon capteur de monologue intérieur. Enfin un peu d’intimité, bordel !

Où j’en étais ? Ah oui, Hannah au pieu…  Il me vient une gaule d’Enfer quand je repense à la première fois où elle a fait sauter son soutif. Des obus pareils braqués sur le Moyen-Orient, ça donnerait envie aux talibans de tenir autre chose qu’une kalachnikov entre leurs mains. Et ses tétons de Vénus de marbre, se dressant au moindre effleurement… Et ses alvéoles, gonflées et soyeuses… Et la courbe de ses reins, à redonner la trique à un paralytique… Et sa vulve délicate et toujours humide, au goût de beurre salé… Tiens, d’ailleurs un truc me revient. Marrant comme on oublie certains détails avec le temps… Quand Hannah jouissait (et étant orgasmique elle jouissait souvent), son vagin émettait de petits pets, « prout prout prout », qui la faisaient rougir terriblement, alors que moi j’adorais ça, je trouvais ça mignon – du coup une seconde plus tard, j’envoyais la sauce. Un autre putain de bon souvenir : pendant les levrettes, Hannah aimait bien que je lui taquine le…
                  
Ici le F.I.O.N, Agent Dante. Lieutenant McGuffin à l’appareil, nous émettons directement en intra-cérébral via votre capteur de monologue. Excusez-moi d’interrompre le fil de vos pensées, mais votre enregistreur envoie sur nos moniteurs des flashback visuels de votre histoire commune avec l’Agent Barbera. Déjà que mes gars ont du mal à bosser, ça ne les aide pas beaucoup…  Je vous saurais gré de diriger vos pensées vers des choses moins agréables. Dans la mesure du possible. Ayant moi-même travaillé avec l’Agent Barbera, je comprends votre émoi. Fin de la communication. 

Bordel, si on peut même plus fantasmer tranquille…  Et des images de mon abcès anal, vous préférez les gars ? Quoique j’aie encore mieux : la fois où j’ai chopé une MST vampirique, mon gland ressemblait à un chou-fleur et crachotait des glaires sanguinolentes toute la journée. Miam miam, n’est-ce pas ?  

Agent Dante ? Toujours le Lt McGuffin. Un ingénieur vient de rendre son quatre heures sur son modem, aussi nos communications risquent-elles d’être problématiques durant quelques minutes. Excusez-nous du désagrément…

« Vous inquiétez pas les mecs, je gère.  Bonne branlette ! 
- A qui qu’tu causes ? me demande le Bûcheron de sa voix de tronçonneuse rouillée.
- Au F.I.O.N , je lui réponds.
- Ta tête elle est malade ?
- En quelque sorte. »

Bref, Hannah… Comment j’ai pu quitter une affaire pareille ? Ben c’est elle qui m’a plaqué ! J’étais soi-disant trop immature, « trop foufou » pour reprendre ses mots, avec une tendance contrariante à aller tremper ma queue dans le premier trou humide venu – mais est-ce de ma faute si je suis un bogoss ? Pour « passer à autre chose », Hannah s’est envoyé ce vieux croûton de Monseigneur Van Helsing le soir même de notre séparation. Le lendemain, il fallait voir ce cul-béni fanfaronner dans les couloirs du F.I.O.N avec son air d’évangéliste qui vient de réussir une conversion. Heureusement, leur aventure a été de courte durée, et grâce à moi (Hannah continuait à me confier sa vie) tout le F.I.O.N a su qu’il bandait mou – ça lui a arraché illico son putain de sourire de la gueule. Se taper cette antiquité de Van Helsing, putain, et pourquoi pas Bill de la Compta tant qu’elle y était ?

Hannah et Eloïse en tête, nous traversons la cour de récré au galop. Tonton, le Bûcheron et moi peinons à suivre les gonzesses, qui trottinent comme au premier jour des soldes.
« Dis-donc, tu marches sacrément vite pour quelqu’un qui porte des talons aiguilles ! » lancé-je à Eloïse, l’Agent Spécial des Reapers.  C’est pas parce qu’on est ennemis qu’on peut pas déconner… Cela dit la demoiselle ne devait pas être une grande rigolote de son vivant : de son regard de poisson mort, elle me signifie une nouvelle fois son mépris. J’ai baisé des cadavres moins froids que cette garce… Sa chatte doit être un véritable distributeur à glaçons.
« Non mais tu sais, insisté-je, j’ai déjà porté des talons aiguilles, et c’est vachement casse-gueule ! Enfin crois-pas que j’sois un travelo hein, c’était pour une soirée dégui…
- Continue, et ta queue ira rejoindre celle de ton oncle au rayon charcuterie.
- Ah, les bonnes femmes : même mortes vous continuez à être castratrices ! »
Peut-être est-ce un rictus, mais cette fois je crois distinguer l’ombre d’un sourire sur son visage blafard – une fissure sur la banquise. Elles tombent toutes raides dingues de moi, même les mortes !
« Désolé d’interrompre votre flirt, mes chéris, intervient Hannah (que je soupçonne de toujours avoir des sentiments pour moi), mais le terrain de basket est en vue. Et nous ne sommes manifestement pas les seuls à vouloir assister au match ! »
 En effet, autour du stade éclairé par des poubelles en feu, des gradins de fortune ont été installés, grouillant de Reapers, de Riiiiipers (l’équivalent vampirique des trisomiques) et de Reapettes vêtues comme des fans de Twilight ;  l’ambiance a l’air bon enfant, je crois même distinguer des stands de grillades et des vendeurs de pop-corn…  Pas sûr que ces Ordures apprécient de nous voir débarquer au milieu de leur merguez-party.
« Heu… dis-je. Je suis le seul à avoir l’impression de foncer droit dans la gueule du loup, là ?
- On aura tout vu, ricane l’élue de mon cœur : Joe Dante qui chie dans sa culotte ! Suis-moi et laisse Maman parler. »
Quand je vous disais que je faisais vibrer son instinct maternel…
« Nan mais poupée, la raisonné-je, tu sais que je suis le Courage fait chair, mais ils doivent être deux cents… Ils vont nous bouffer tout cru !
- Franchement, Joe, ça me fait de la peine de te rappeler un point aussi basique du règlement… Les Accords de Geneviève, ça ne te dit rien ?
- Ben, heu, j’ai dû sécher la réunion le jour où on en a parlé… »

Agent Dante, ici McGuffin. Passés en l’an de grâce 1363 entre le F.I.O.N et les Ordures de la Nuit, les Accords de Geneviève  stipulent qu’en cas de duel entre un Fonctionnaire Divin de Catégorie A et une Ordure de Premier Ordre, une trêve s’instaure entre les deux partis durant la durée du combat. Autrement dit : Whistler et vous-même allez vous installer gentiment dans les tribunes et suivre le match sans faire de grabuge.
Ouah, comme si c’était notre genre !
Nous ne plaisantons pas, Agent Dante. Ne levez pas le petit doigt sur un Reaper, ou la trêve sera rompue dans la seconde, et la réputation du F.I.O.N  souillée à jamais.
Parce que vous pensez vraiment que les Ordures  vont respecter leurs engagements ?
C’est peu probable, en effet. Restez sur vos gardes.
Génial, les mecs. Je sais pas comment je m’en sortirais sans vous… Et si le Bûcheron commence à enculer tout le monde, je fais quoi ?
Absolument rien, il n’appartient pas au F.I.O.N. Chacun sa merde. Fin de la communication. 

Dans le genre mission suicide, merci du cadeau… M’enfin j’ai l’habitude, c’est même pour ça qu’on me paie – et qu’on m’adule.
L’arrivée au stade me fait revoir mon estimation des rangs ennemis à la hausse : les Faucheurs ne sont pas deux cents, mais trois fois plus ; celles et ceux qui n’ont pas trouvé de place dans les tribunes lévitent allègrement autour du terrain grâce à leurs spartiates anti-gravité. Ce soir, c’est grand soir ! Postés aux grilles, deux énormes videurs aux dents pointues filtrent les entrées et dépouillent les spectateurs de leurs armes. « Mesure de sécurité », qu’ils disent. Forcément, ces gorilles tiquent en nous voyant.
« Qu’est-ce qu’y a mes jolies ? lancé-je avec mon plus beau sourire, la main sur mon Desert Eagle. On n’est pas assez bien sapés pour s’incruster à votre petite soirée privée ? »
Alors que l’un des molosses montre les crocs, Eloïse calme le jeu de sa voix aussi froide que les glaces éternelles : 
« Cool Raoul, ils sont avec moi. Dis à Harvey de ramener ses fesses. 
- Voui M’dame… » répond Raoul le Reaper, tout penaud.
Un dixième de seconde plus tard, un Harvester sapé comme un Maître d’Hôtel se matérialise sous notre nez et nous accueille comme si nous étions de vieux amis.
« Harvey Offsorreaux, pour vous (as)servir. Soyez les bienvenus, nous vous attendions !  M. Dante, M. Whistler, nous vous avons réservé deux places en tribune d’honneur.  Je vous invite à prendre vos aises pendant que ces dames se préparent pour le spectacle. Mais auparavant, je vous demanderai de bien vouloir déposer vos armes dans les bacs prévus à cet effet.
- Je lâcherai mon sabre et mon Desert Eagle chargé à l’aïoli le jour où vous ôterez vos canines et vos griffes.
- Joe ! râle Hannah en me faisant les gros yeux.
- Agent Dante ! me sermonne mentalement le Lt McGuffin.
- Cowabunga ! » ajoute Tonton, emporté par le mouvement.  
Sous la pression générale (ou presque : le Bûcheron s’en branle… littéralement), je finis par déposer les armes. Mon sixième sens me dit que je vais le regretter…
« Parfait ! sourit Harvey. Messieurs, si vous voulez bien vous donner la peine… 
- Ne fais pas de bêtise en mon absence,  me chuchote Hannah, avant de suivre Eloïse vers les vestiaires. 
- Pousse un cri aigu si t’as besoin d’aide ! » je lui fais, histoire de rappeler qui est l’homme. 
La braguette ouverte, le Bûcheron quitte également notre groupe : il part retrouver des Reapettes de sa connaissance, dans des états de putréfaction variablement avancés, et s’empresse de leur rouler des pelles garnies d’asticots tout en pinçant leurs fesses nécrosées. Bras-dessus bras-dessous, ces fous du cul s’enfoncent dans la foule ; quelque chose me dit que ça va ramoner sec en coulisse…
« La buvette est par ici et les casses-croûtes sont par là » nous indique Harvey pendant qu’il nous conduit à nos places, Oncle Dan et moi, sous les regards haineux des supporters vampiriques ; j’ai la désagréable impression  d’être une vierge lâchée au milieu d’une assemblée de taulards. Je peux les comprendre : à un moment ou un autre de ma carrière, j’ai sans doute envoyé l’un de leurs potes en Enfer… Mais à ma grande surprise, les Ordures parviennent à garder leur sang froid – pas difficile, quand on est déjà mort.
« Places 42A et 42B, voici. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à me faire signe » précise le Harvester, avant de s’évaporer.  
Il ne s’est pas foutu de notre gueule, le Harvey : nos places ont une vue plongeante sur le terrain, au centre duquel un ring a été dressé. Autour de nous, les Reapers retournent vaquer à leurs occupations, discutant et ricanant entre eux en buvant des pots et fumant des pets. Pour un peu, on se croirait au tournoi de basket de fin d’année – version gore : un monticule de cadavres d’adolescents tient lieu de « buvette » ;  les cornets ne contiennent pas de popcorns, mais des beignets d’yeux humains fourrés au boudin de sang de règles ; quant aux grillades, elles sont constituées de bras, de jambes, de doigts, de ribs et d’abats humains. Et Tonton et moi on est censés rester assis là, sans rien faire ? Putains de monstres sanguinaires, je vais leur faire payer au centup…

Gardez votre calme, Agent Dante. La réussite de cette mission est de la plus haute importance. La victoire de l’Agent Barbera pourrait mettre fin à l’Invasion. Dans le cas contraire, l’Humanité aura besoin de vous pour ne pas sombrer dans les ténèbres.   

Ouais ouais ouais, toujours la même rengaine. Fin du monde, blablabla, Joe Dante l’unique espoir, blablabla… Au bout d’un moment on s’en lasse.
Ignorant sciemment les horreurs alentour, je porte mon regard vers le ring… Le monde vampirique prend également l’évènement très au sérieux : le match est retransmis en direct sur les ondes sous-terraines de Croc-Croc Channel. D’énormes têtes de Reapers volantes, aux yeux rouges globuleux, se chargent de capter les images… Lesquelles sont commentées par le célèbre Blackula, légende de la Nuit à la voix inimitable, aux accents de Louis Armstrong :
« MmmmYeaaaah Baby, le Duel du Bien contre le Mal va bientôt commencer ! Comme vous le savez déjà, une invasion massive du Royaume de France est en cours au lycée Jean-Pierre Putters, et le F.I.O.N tente de la contenir. La tension est à son comble, ça va être chauuuuuuud bouillant ! La suite après une page de publicité. Croc-Croc Channel, la chaîne qui vous occupe de l’aube au crépuscule ! Disponible dans tous les bons caveaux.  
- Oncle Dan, c’est vrai que tu bossais avec Blackula avant qu’il devienne un vampire ? Et c’est vrai qu’il est encore mieux membré que le démon Ixixel ? Oncle Dan ? »
Absorbé par l’agitation d’avant-match, j’ai oublié de surveiller Tonton… Où est-il encore allé se fourrer ? J’espère que, poussé par la faim, il n’a pas ouvert le crâne d’un spectateur pour lui siroter la cervelle – le pauvre n’a jamais supporté l’hypoglycémie. Par chance, il n’est pas parti bien loin : je le retrouve le nez fourré dans un barbecue de chair humaine.  
« Cowabunga ! » me gueule-t-il en m’apercevant. Surexcité, il se trémousse en montrant les
grillades : « Cowabungabungaaaaa ! 
- Purée Tonton, ne bouffe surtout pas ça ! En vrai c’est pas des merguez, c’est des doigts… »
Sourd à mes conseils, il retire l’un des bouts de viande du grill et me l’agite sous le pif.
« Mais c’est dégueulasse, tu vas remettre ça tout de suite où tu l’as trouvé !
- COWABUNGA !  persiste-t-il, CO-WA-BUN-GA ! »  
Et Tonton de coller le morceau de viande roussi sur son moignon de verge et de le secouer tristement. Tout d’un coup je comprends : il ne s’agit pas d’un doigt humain, mais de tout autre chose…
« T’as retrouvé ta saucisse, c’est ça ? Fais voir ça de plus près ? Ah ben oui, c’est bien la tienne, je reconnais les grains de beauté ! Comme quoi j’avais coupé ça proprement hein… Un Reaper gourmand a dû la ramasser et se la réserver pour l’apéro… Bon, elle est un peu cramée, mais un bon chirurgien saura sans doute te la recoller. »
Tout heureux, Tonton se met à sautiller et danser sur place, comme s’il voulait faire venir la pluie. Faut dire que c’est pas tous les jours qu’on sauve sa bite d’un barbecue ! Pour plus de sécurité, il se la coince entre les dents et la garde en bouche, comme un cigare.
« Retournons nous asseoir, le match ne va pas tarder à…
TARATATATAAAAAAA !  »
A l’instant où rugissent les Trompettes de l’Apocalypse, les lumières s’éteignent à l’exception des spots dirigés sur le ring, puis la voix groovy de Blackula se fait entendre : « Cheres Orduuuures, acclamez bien fort les artistes ! Dans le coin gauche, elle porte un bikini noir et des ailes de chauve-souris géantes, elle est née le même jour que Mathusalem et a partagé le tombeau de Vlad l’Empaleur, Lestat le Vampire et Vampirella, elle porte le statut de Grande Prêtresse des Enfers et d’Agent Spécial des Reapers, elle mesure 1m65 pour 52 kg et affiche un ravissant 90B, j’ai nommé : Eloïïïïïïse Nogood ! »
La championne des Forces Du Mal fait son entrée en battant des ailes avec classe, et ma foi, elle donne plutôt envie de se laisser mordre.
« Dans le coin droit, dans un bikini blanc trop petit pour elle assorti à ses ailes de colombe, elle porte le grade de seraphin a seulement 22 ans et fait la fierté du F.I.O.N, elle a été formee par Monseigneur Van Helsing et l’Agent Joe Dante…
- C’est moi ! je gueule à mes voisins, c’est moi !
- Chut, humain, chut !   
… mesurant 1m75 pour 55kg et arborant un estomaquant 95C : la ravissante Hannaaaaaaah Barbera ! »
L’arrivée d’Hannah fait également son petit effet : une rumeur impressionnée parcourt la foule pendant que mon ange se pose avec la délicatesse d’une fée, face à la harpie sexy. Les championnes se toisent du regard ; dans l’air l’électricité est palpable.
« Les combattantes vont maintenant se disputer le choix des armes à pierre-feuille-ciseaux. Nous vous rappelons que l’accompagnement musical de la soirée est assuré par le groupe Les Trompettes de l’Apocalypse, CD en vente dans cette salle. 
- Cowabunga ? me demande Tonton.
- Ouais, si t’es sage je t’achèterai l’album. »
En cet instant crucial du Duel, la salle fait silence – on entend seulement les Reapers voler. Mains sur les hanches, les adversaires se font face comme dans un western. Elles vont dégainer d’une seconde à l’autre. Le suspens est insoutenable...  
Tout va très vite : Eloïse tend son poing serré et dit « pierre », Hannah écarte deux doigts et dit « ciseaux ». Pute borgne, ça commence mal…

Ne paniquez pas, Agent Dante. L’Agent Barbera avait pour consigne de perdre ce duel. Si nos informations sont exactes, Eloïse Nogood va porter son choix sur un artefact de la plus haute importance. Ouvrez bien vos yeux et vos oreilles…

Avec un sourire narquois, la vipérine Eloïse annonce au micro : « Ma chère Hannah, j’ai toujours rêvé de t’entendre gémir…  Pour ce duel, je réclame donc le God’s Gode ! »
Le Gooooooods’Gooooooooode ! » répète Blackula en écho.
Tonton en avale sa queue de surprise (gloups !), tandis que la foule hurle et applaudit à tout rompre ; Hannah, quant à elle, me lance un regard apeuré.
Le God’s Gode, putain, un artefact mythologique plus précieux que le Saint Graal et la culotte de Madonna, taillé par Joseph de Nazareth dans du bois d’olivier, et piqué au Très-Haut par Satan lui-même durant les vacances de Pâques. Mon père l’a recherché toute sa vie, en vain… Et il était justement sur sa piste lorsqu’il a été assassiné. 

Agent Dante ? Nous espérions que les Ordures de la Nuit abattent leur carte maîtresse ! Vous connaissez désormais le but secret de toute cette opération : quoi qu’il arrive, il nous faut récupérer le Saint Gode. Sa place est dans un musée – ou du moins sur la table de chevet de son propriétaire légitime. Si l’Agent Barbera venait à échouer, la tâche vous reviendrait automatiquement…

Message reçu, McGuffin. Cela dit y’a un truc que je pige pas : comment fait-on pour se battre avec un gode ? En avance sur le F.I.O.N, Blackula m’apporte la réponse : « Cheres Orduuuures, les combattantes vont maintenant se livrer un duel à mort… A moins que ce ne soit Amor ? Mouhahaha ! Chacune va enfiler l’une des extrémités du God’s Gode, et la première à atteindre la jouissance sera consumée par un plaisir divin. Bon spectacle ! Croc-Croc Channel, la chaîne qui vous apporte du sang neuf ! »

En temps normal je baverais face à une telle promesse, mais là je suis transi d’effroi. Je comprends mieux pourquoi Hannah a l’air d’avoir la trouille : la pauvre étant orgasmique, le combat est perdu d’avance… Mon ange se précipite d’ailleurs sur le micro ; va-t-elle déclarer forfait ?
« Heu… Y’a comme qui dirait un petit problème ! » dit-elle, l’air gêné. Et ma choupinette d’arracher son bikini, puis de faire un tour sur elle-même, sans la moindre pudeur. L’effet de ce strip-tease improvisé est immédiat : d’une seule voix, la foule pousse un « ooooh » d’étonnement, tandis que le pourtant volubile Blackula en a la chique coupée ; il me semble même déceler une grimace chez la glaciale Eloïse. Si Tonton pouvait avaler sa bite une deuxième fois, il le ferait sans doute, mais en l’occurrence il se contente d’un petit « cowabunga ». Quant à moi, j’en reste coi !

Agent Dante ? Go go go ! Profitez de ce moment de distraction pour vous emparer de l’Objet ! Agent Dante ?

Désolé les mecs, mais je suis trop sidéré pour lever le petit doigt… J’ai beau appartenir au F.I.O.N, ça me met sur le cul. Qu’est-il arrivé au corps si désirable de mon amour ? Evanouis , ses tétons sensibles et ses alvéoles  soyeuses ! Perdus à jamais, sa belle toison claire et son abricot juteux ! Pourquoi a-t-elle fait ça, nom de Dieu ?! Nue sur le ring, Hannah ressemble à une poupée Barbie : tous ses attributs sexuels ont été gommés, lissés, effacés. Même la raie de ses fesses et la courbe de ses seins ont disparu, remplacées par une surface désespérément uniforme, sans creux ni relief… ni érotisme. La plus belle femme du monde est désormais aussi sexy qu’un Playmobil. Quelle petite cachottière ! Hannah n’a pas simplement atteint le grade de Séraphin : elle est passée Archange…  Ce qui va de paire avec la perte de ses attributs sexuels. Car comme chacun sait : les vrais anges n’ont pas de sexe. Les femmes sont vraiment prêtes à tout pour faire carrière.
Au bout de quelques secondes, Blackula retrouve sa verve habituelle : « Chères Ordures, en raison d’un problème technique, le combat ne va pas pouvoir se dérouler dans les conditions initialement prévues. Mais rassurez-vous, le Règlement a tout prévu… Si le premier combattant est déclaré inapte, le duel revient à la charge au second officier le plus gradé présent dans la salle. On m’informe que l’Agent Joe Dante est parmi nous. » Les spots sont braqués sur moi et m’éblouissent comme les phares d’une voiture. « Agent Dante ? C’est à vous, ne faites pas votre timide ! Eloise vous attend avec impatience… 
- Hors de question, je gueule. Divin ou pas, personne ne m’enfoncera de gode dans le F.I.O.N, enfin, le fion ! Le premier qui me touche, je lui… »
Avant que j’aie le temps de finir ma phrase, Harvey et mes voisins de tribune se jettent sur moi et lacèrent mes vêtements de leurs griffes. Ils sont si nombreux que je ne parviens pas à faire face. En trois secondes, je me retrouve à poil, et on me fait glisser de mains en mains vers le ring, à la manière d’une rockstar décadente. J’ai beau me tortiller et distribuer des coups de pieds à l’aveuglette, les Ordures continuent à me trimballer comme un sac à patatatatatatatatatatatatatatatatatatata

***

L’ingénieur son se leva d’un bond : « Chef, le contact avec l’Agent Dante a été rompu, Chef ! Son capteur de monologue intérieur n’émet plus. Cela ne peut signifier que deux choses : soit il est mort, soit il l’a perdu dans la cohue.
- Pile au moment crucial ! pesta le Lt McGuffin. Dante était notre seul agent de liaison ; ces foutus archanges refusent de porter un capteur pour cause de « secret défense ». Vous pouvez me trouver Crocs-Crocs Channel  ?  Ca nous permettra au moins de suivre le match en direct…

…XxxrGGgzzzTzzzfghhhhcowab…

« Chef, une seconde, chef ! Je recommence à capter quelque chose… Je crois que… Oui ! La communication est rétablie !
- Passez-le moi immédiatement ! Agent Dante ? Ici McGuffin. Refusez le duel, je répète, refusez le duel, vous n’avez aucune chance. Attrapez le Gods’Gode, et tirez-vous ! Agent Dante, vous m’entendez ? 
- Cowabunga ? »

Le Lieutenant Cliff Hanger en resta bouche bée. « Le F.I.O.N est dans la merde jusqu’au cou, annonça-t-il à ses hommes. Daniel Whistler vient de récupérer le capteur de monologue… » Le dernier espoir de l’humanité était désormais un semi-mongolien. Sur le moniteur, les pensées du nouveau Narrateur défilaient à la vitesse de l’escargot : « Cowabunga, cowabungabunga, cowabunga ! Cowawabunga ? COWABUUUUNGAAA ! »